Moscou et sa troupe de mercenaires Wagner se réjouissent: les derniers soldats ukrainiens ont quitté la ville de Bakhmout dans le Donbass. Ils ont pris la fuite, ont annoncé les médias sociaux russes. Les Ukrainiens, de leur côté, affirment en revanche qu'ils résistent encore et toujours dans une petite partie du sud-ouest.
Indépendamment de la question de savoir s'il s'agissait d'une fuite ou d'une retraite ordonnée, la zone urbaine est désormais pratiquement entièrement sous le contrôle du groupe Wagner. Son chef, Evgueni Prigojine, a annoncé, devant la gare détruite, que ses mercenaires seraient remplacés dans les prochains jours par des troupes régulières du ministère russe de l'Intérieur.
La conquête des derniers bastions ukrainiens à l'ouest de la ville a été rendue possible par l'utilisation de l'artillerie lourde et les attaques de l'aviation russe. Depuis quelques semaines, les pilotes russes utilisent des bombes planantes qui sont larguées à une distance considérable du front et qui sont ensuite dirigées vers leur cible, notamment grâce à la navigation par satellite.
Il s'agit de bombes conventionnelles d'aviation. La Russie en possède d'importantes réserves. Elles sont complétées par un dispositif avec des ailes pivotantes et un système de commande, une amélioration peu coûteuse d'une ancienne technologie similaire aux bombes JDAM que Kiev a reçues des Américains.
Avec ces engins, les Russes ont pu détruire les plus grands immeubles de Bakhmout, ce qui n'aurait pas été possible avec de simples tirs d'artillerie. Les Ukrainiens ont ainsi perdu leurs bases de repli les plus sûres. Après plus de 9 mois de bataille, la ville est désormais presque entièrement détruite.
En lançant des attaques de missiles sur Kiev et d'autres villes éloignées du front, le commandement militaire russe a forcé les Ukrainiens à déployer leurs batteries antiaériennes Patriot récemment livrées à l'arrière plutôt qu'à proximité du front. Les avions de combat russes ont ainsi pu larguer leurs bombes planantes à proximité du front sans que la défense antiaérienne à courte portée déployée à Bakhmout ne puisse intervenir.
S'il y avait des missiles Patriot dans la zone de front, de tels avions seraient rapidement abattus, car ils doivent déclencher leurs bombes planantes à haute altitude et sont donc facilement repérables sur les écrans radar.
Bakhmout a certainement été la bataille la plus sanglante de la guerre. Selon des estimations très prudentes, les pertes, morts, blessés et disparus, se sont élevées à plusieurs dizaines de milliers de personnes de chaque côté. Le groupe Wagner a payé un prix extrêmement élevé en termes de sang. Alors que les troupes russes régulières se concentraient sur les flancs à Bakhmout, les mercenaires de Prigojine devaient attaquer les Ukrainiens de front et se battre pour chaque maison.
Les pertes ont également été énormes du côté ukrainien. Un soldat, désormais en poste dans une unité de défense aérienne à quelques kilomètres de Bakhmout, raconte son passage dans les tranchées:
Un de ses camarades montre sur son smartphone les endroits où il a combattu:
Tout le reste, c'est-à-dire les véhicules tout-terrain, les silencieux ou les jumelles, les soldats ont dû se les procurer eux-mêmes.
La Russie voulait utiliser la ville comme tremplin pour d'autres conquêtes. Pourtant, on peut se demander si les troupes affaiblies de Bakhmout sont en mesure de le faire. Une route mène de la cité en ruines à la ville industrielle de Sloviansk. Cependant, c'est justement le long de cette route que les Russes ont récemment accusé des échecs.
Depuis un certain temps, les Ukrainiens attaquent les flancs russes à Bakhmout, tentant ainsi d'immobiliser un grand nombre de soldats du Kremlin. Entre-temps, les préparatifs de contre-offensives se poursuivent sur d'autres parties du front. Les Russes les attendent plutôt au sud, en direction de la mer d'Azov, et à l'est, près de Svatove.
La bataille de Bakhmout a permis aux Ukrainiens de gagner du temps pour former de nouvelles brigades avec des chars de combat et des véhicules blindés de combat d'infanterie occidentaux. Les mois à venir montreront si le calcul de Kiev s'avérera finalement payant.
Traduit et adapté par Nicolas Varin